Nouvelles d'Onézif du 25 novembre 2002

D'ESPAGNE (Benalmadena) A  GIBRALTAR
PUIS AU MAROC (Tanger à Mohammedia)

 

Jeudi 31 octobre
La navigation du jour doit nous conduire de Benalmadena à Gibraltar. A 10h40 nous libérons Onézif de ses amarres. Aujourd'hui le vent est très changeant. Tantôt un vent agréable nous pousse gentiment le long de la côte que nous désirons suivre de près pour profiter d'un courant favorable, tantôt nous devons mettre le moteur. Brusquement le vent souffle fort nous prenons un ris, puis 2, puis 3, dans la grand voile, nous roulons le génois un peu plus chaque fois. Après le vent passe de face et il faut louvoyer, un bord vers le large où nous ne progressons pas en direction de notre but, un autre vers la plage plus motivant. Onézif fonce parfois à 7 noeuds, après il se traîne à 3.

Au loin nous apercevons Marbella sans pouvoir distinguer les détails.

En fin d'après midi trois grands oiseaux tournoient haut dans le ciel, par moment l'un se lance en piqué vers la mer où il plonge. Il disparaît plusieurs secondes puis reparaît et s'envole rejoindre les autres. Le spectacle se reproduit plusieurs fois. Ces oiseaux me font penser à des fous à cause de leur technique de pêche.

La nuit commence à tomber, Onézif qui avance d'habitude à 4,5 noeuds au moteur, se traîne péniblement à 2,5 noeuds. Depuis un moment nous traversons des bancs d'algues très fines, c'est peut-être la cause de notre lenteur. Une fois le bateau arrêté, je plonge dans une eau à 18,3 °C. Un gros paquet d'algues entoure l'arbre et l'hélice, d'autres sont accrochées au safran. Quelques apnées suffisent pour enlever le plus gros. Cette baignade est tonique juste avant le repas, j'ai bien mérité un petit apéritif.

20h. Le vent tombe en rafales la Sierra Bermeja (1441 mètres), très vite il souffle à force 5, comme nous sommes au près il faut ariser la GV au maximum, le génois est réduit de même. Onézif glisse, calé à la gîte, sur une mer plate car nous veillons à rester près de la côte. Sa vitesse varie sans arrêt entre 5,5 noeuds et 7,1 noeuds.

20h14. Nous apercevons au loin un phare isophase 10 secondes, c'est le phare de Victoria Tower ( tour blanche à large bande rouge) d'Europa Point (la Pointe de l'Europe). L'équipage d'Onézif en est tout impressionné. Il y a bien longtemps que la vision du Rocher nous tient compagnie.

23h15. Position 36° 06,3' N - 5° 20,9' W, Onézif voit par son travers tribord le phare d'Europa Point. Sur le pont les deux hommes veillent et philosophent. Dans le carré, confortablement calée par une toile anti-roulis Josie sommeille. Nous terminons ici la première partie de notre périple maritime. La lune nous éclaire agréablement pour notre entrée dans la très larges baie d'Algeciras. Plus de vingt grands navires, pour beaucoup des pétroliers sont au mouillage, parfois illuminés à giorno, parfois très peu éclairés.

Vendredi 1er novembre
Minuit 30 mn. Onézif est amarré au ponton branlant du Port Authority situé sur le quai faisant face à la piste du terrain d'aviation. Nous arrosons notre arrivée tout en faisant le bilan de nos journées de navigation. Globalement l'équipage est satisfait malgré les jours de vents contraires dont les désagréments se sont estompés dans nos mémoires. Ensuite nous dormons comme des loirs jusqu'au moment où nous entendons quelqu'un nous héler depuis le ponton, il est en uniforme. Nous faisons semblant de ne rien entendre mais il ne faut pas trop tarder à nous montrer.

Après un petit déjeuner et une toilette rapides, les formalités de police et douane sont accomplies dans un modeste bâtiment préfabriqué. Deux officiels en uniforme nous accueillent et expédient rapidement les formalités. Nous sommes maintenant libres de circuler à Gibraltar.

(cliquer sur les photos pour les agrandir)

Onézif à Gibraltar, le ponton de la douane et des autorité

Gibraltar et son Rocher - photo Onezif

Onézif au ponton des autorités et de la douane

le Rocher

Gibraltar au petit matin

Nous effectuons rapidement le plein de gasoil à la station BP (0,5 Euro / litre) avant de rejoindre Queensway Quay Marina au coeur du port de Gibraltar. Sur le chemin de cette marina un zodiac gris nous accoste, à son bord Fred de la Licorne nous souhaite le bonjour. Nous sommes ravis de le voir ici, son bateau est aussi à Queensway Quay Marina. Onézif à peine amarré, Nathalie et Yann, le restant de l'équipage de la Licorne, nous accueille à son tour. Après les embrassades et congratulations, nous convenons de nous retrouver le soir pour l'apéritif. C'est drôlement sympa de se retrouver si loin de notre port d'attache.

Après une courte incursion à midi dans une ville déserte, nous siestons pour récupérer un peu des fatigues des jours précédents.

(cliquer sur les photos pour les agrandir)

Queensway Quay Marina (Gibraltar) - photo Onezif

Fred et son voilier la Licorne à Gibraltar - photo Onezif

Queensway Quay Marina (Gibraltar)

Fred et la Licorne à Gibraltar

19h - Nous montons à bord de la Licorne pour l'apéritif. Chacun y va de son histoire, parle de ses bons moments, des plus difficiles. La Licorne, partie plus d'une semaine après nous, est arrivée la veille à Gibraltar. Elle a rencontré aussi des vents contraires. Après une très courte escale à Mahon, sans descendre à terre, Fred a lancé la Licorne dans un long et unique bord de près qui l'a conduite à Alger. Lors d'une courte escale de 24 heures il y a fait le plein à bon compte. Ensuite il a mis le cap sur Gibraltar, arrivé hier il veut partir demain mardi sur Cadiz. Son équipage trouve que les escales sont trop courtes, mais ce que le capitaine veut ... La pêche à bord du beau ketch blanc a été plus fructueuse que sur Onézif. Ils ont attrapé et remonté à bord un gros thon, une bonite, un requin d'environ 1,20 m qui failli se retrouver seul sur le bateau (l'équipage étant prêt à lui laisser la place), une sorte de dorade bleue de très belle taille. Nous passons un bon moment assis tous les six au pied du Rock.

Samedi 2 novembre
Dans le quartier de Varyl Begg Estate (au Nord) nous faisons le matin notre avitaillement au supermarché Safeway. Touts est Anglais dans ce magasin, sauf les caissières et le petit personnel. Nous faisons entre autre une provision de chester, de cheddar et autres fromages. Nous trouvons, oh miracle ! un beau chourave, à nous la bonne soupe de notre enfance berrichonne. 

Au retour nous prenons un taxi dont la conductrice parle espagnol. Elle est aussi aimable que nos taxis parisiens. De retour sur le ponton nous assistons au départ de la Licorne qui termine juste de démêler sa pendille prise dans l'hélice. Tient, Onézif n'est pas le seul à faire joujou avec les pendilles. Nous les saluons chaleureusement alors que La Licorne sort de la marina.

Peu avant 18h nous montons en ville pour flâner avant la fermeture des magasins, ils sont ou fermés ou sur le point de le faire. Seuls des commerces d'alcool et de tabac, magasins tenus par des Indiens ou des Pakistanais, vendent jusque tard dans la nuit. Nous buvons un gin tonic sur la belle place de Casemates Square. Ici beaucoup de lieux portent des noms de fortifications militaires ou d'officiers. Enfin nous rentrons dîner, nous entamons par une excellente soupe au chourave façon Marie Bailly (la grand-mère de l'équipière) accompagnée de crème "fraîche" longue conservation dont la date de péremption est passée depuis mi septembre, ensuite légumes de la soupe à crème "fraîche", camembert, fruit. Un festin pour nos gosiers de marins d'occasion.

Fromages Anglais

Gin Tonic

Dimanche 3 novembre
Notre programme prévoit de monter au sommet du Rock avec le téléférique, après avoir visité la ville que nous nous attendons à voir très active, étant une ville à forte activité touristique. C'était sans compter sur le mode de vie très british des Gibraltariens. Presque tous les magasins sont fermés, même les pubs, sauf quelques rares boutiques tenues par des Indiens et autres asiatiques ou par des Maghrébins. Quant au cable car, il ne fonctionne pas le dimanche. Nous sommes des touristes atypiques qui ratent toutes les occasions de visites (musées ou téléphériques fermés, magasins clos, pubs en vacances, rues vides, autochtones regardant le match de foot à la télé, etc. ). Seuls les singes de Barbarie, que nous rencontrons à mi pente du fameux Rocher, sont à leur poste le long de la route pentue qui nous conduit vers la Victoria Tower. Merci à eux pour leur participation.

(cliquer sur la photo pour l'agrandir)

Singes de Barbarie (Magot) à Gibraltar - photo Onezif

Singes de Barbarie (Magot)

à Gibraltar

Lundi 4 novembre
La haute mer est à 7h54, nous avons prévu de partir à 9 heures. Juste avant de larguer les amarres, Riquet regarde machinalement l'annuaire des marées et constate qu'en réalité à 7h54 il y avait marée basse. En lisant sur le petit tableau j'ai les yeux qui se sont croisés, semble-t-il. Après quelque juron bien senti, nous reportons notre départ demain (marée haute à 2h58). Il faudra se lever de bonne heure.

Nous décidons de quitter Queensway Quay Marina et son ponton soumis à un ressac violent à chaque fois qu'un bateau, même modeste, passe dans la baie. Nous allons à Marina Bay, près de la piste d'aviation. Le site est plus ingrat, les immeubles plus grands, mais les commerces nombreux à proximité (c'est lundi, tout est ouvert, le shipchandler Sheppard's aussi). Par contre, Casemates Square que nous aimons bien est tout proche. Aujourd'hui nous découvrons un Gibraltar très actif où la vie nous paraît chère. L'après midi nous buvons une bière dans un Irish pub tenue par une jeune serveuse "détonante", Riquet la qualifie de petite fille d'Arletty (dans Hôtel du Nord).

Mardi 5 novembre
Réveil à 3h15, départ à 4 heures. Depuis deux jours nous avons potassé tout ce que nous avons trouvé sur le passage du Détroit de Gibraltar : les instructions du SOM, le Guide Imray Mediterranean Spain - Costas del Sol and Blanca, et puis The Straits Sailing - Handbook 2002 de Colin Thomas et enfin des infos trouvées dans Internet. Nous savons tout !

A nous l'Afrique !

La voilure est réduite à 2 ris malgré le vent faible, par précaution. Nous pensons trouver le début des courants favorables vers 3h30 / 4h du matin. En attendant, Onézif se fraye un chemin au milieu des nombreux pétroliers et cargos au mouillage dans la baie d'Algeciras. Le temps passe et nous ne trouvons pas les veines de courants que Colin Thomas dit être visibles, il faut dire qu'il fait nuit. Par moment la vitesse d'Onézif sur l'eau étant de 4,8 noeuds, la vitesse au sol est seulement de 0,6 noeuds. Nous cherchons à droite, à gauche, sans succès. Nous progressons très lentement vers notre point de passage (que nous avons situé 7 miles à l'Ouest de Tarifa). A 7h nous décidons de chercher encore plus près de la côte, nous nous rapprochons en veillant le sondeur, nous ne voulons pas descendre en dessous de 15 mètres d'eau. Quarante minutes plus tard nous trouvons notre bonheur, le loch du d'Onézif donne 4,2 noeuds, le GPS indique 5,7 puis 7,2. Les veines de courants sont étroites et changeantes, il faut sans cesse changer de cap.

En arrivant vers Tarifa nous nous retrouvons dans des remous, un peu comme dans le golfe du Morbihan. C'est impressionnant. Sept miles plus loin nous piquons au 215. A 10h10 le moulinet chante ZZzz... brièvement, le rapala a tenté une fois de plus une bonite (1,5 kg pour 42 cm). Le repas de midi est assuré. Cette bonite cuite au four avec poivrons, tomates, ail, oignon, accompagnée de riz et arrosée de vin blanc de Cadiz est excellente. Nous infléchissons notre route plus vers l'Est et arrivons à 13h30 au port de Tanger. Onézif se met à couple du voilier "Yves - BR" (propriétaires : Jean Yves et Joanna, deux aimables jeunes français partis depuis juillet de Brest). Les malheureux ont perdu à Tanger leur épagneul, ils sont tristes et le cherchent depuis une semaine en vain.

Les formalités sont accomplies rapidement. Dans l'après-midi, nous retirons des Dirhams à un distributeur de billets Boulevard Pasteur (10,5 DH pour 1 Euro). Sur le chemin du retour nous achetons nos premières pâtisseries marocaines au miel devant l'entrée du port. Elles sont très bonnes.

(cliquer sur les photos pour les agrandir)

Tanger (Maroc), dépendance du Yacht club - photo Onezif

Tanger (Maroc) Gran Teatro Cervantes - photo Onezif

Le port de tanger
(carte postale)

Une dépendance du Yacht club de Tanger

Gran Teatro Cervantes (Tanger)

Mercredi 6 novembre
C'est le premier jour du Ramadan. En plus c'est jour férié car on célèbre Al Massiralu Al Khadra (La Marche verte). Sur la place devant l'entrée principale du port, la rue et une place sont ceintes de barrières métalliques. Les Marocains commencent à s'y presser. Je me joins aux badauds. Dans l'enceinte, des groupes se préparent et s'alignent. On y voit des militaires, une musique militaire, groupes de jeunes gens en tenue de sport (jeunes joueuses de tennis raquette à la main, footballeurs aux maillots colorés, boxeurs portant leur protection faciale, athlètes, etc.), un groupe de jeunes filles en costume traditionnel du Rif (il est fait de tissu à rayures verticales rouges et bleues sur fond blanc et comporte un large chapeau de paille orné de quatre rubans noirs qui partent du haut pour rejoindre le bord), d'autres filles sont habillées à la dernière mode d'une jupe droite à volants en tissus souple imprimée jaune, petit chemisier noir à manches trois quarts, chaussures à grosses semelles, plus loin des collégiennes en uniforme, jupe plissée bordeaux, chemisier blanc, socquettes blanches, béret bleu. Peu avant 11 heures les officiels arrivent et après une longue séance de poignées de mains ils s'installent dans la tribune d'honneur. La cérémonie commence par la montée des couleurs, digne, martiale, bien. Elle se termine par une harangue d'un imam vêtu de blanc. Un officiel empoigne un micro et fait un discours de 15 minutes. Il est suivi par un second imam qui chante mélodieusement pendant 10 bonnes minutes. Un troisième officiel se lance dans un long monologue. Je capitule au bout de 20 minutes. Je ne verrai pas le défilé de toute la belle jeunesse mais j'ai eu le temps de bien la voir.

Je monte dans la ville neuve, boulevard Pasteur au n° 26, au cybercafé que nous avons repéré la veille. Un jeune homme compétent m'accueille et m'installe devant un écran plat.

Le soir Riquet expérimente aussi le cybercafé pendant que Josie et moi nous promenons au hasard dans Tanger, type de promenade que nous adorons tous les deux. Au retour, le muezzin ayant chanté, nous sirotons un thé à la menthe à la terrasse d'un café.

Thé à la menthe

Jeudi 7 novembre
Levé tôt, j'en profite pour faire le tour du port de pêche. Les chalutiers et autres gros bateaux dépassent probablement la centaine, si ce n'est plusieurs. Ils sont tous de couleur bleue. Je suis assailli par des sensations fortes, des spectacles. L'odeur de poisson est envahissante, c'est très fort. Partout des montagnes de filets rouges garnis de nombreux flotteurs jaunes ou blancs servent de litières à une multitude de chats faméliques, parfois à un pêcheur fatigué par le début du Ramadan. Plus loin, des chaluts bleus sont étirés sur le quai, plusieurs ravaudeurs s'y affairent. L'été, la pêche reine est celle de l'espadon, vient ensuite celle du thon. En ce moment c'est un peu la morte saison. Devant la halle aux poissons un homme armé d'un grand couteau et d'une scie égoïne termine de vider et de découper un thon de presque 2 mètres. A l'intérieur de la halle sur des plates-formes, carrelées et ceintes de mains courantes métalliques, des caisses de sardines et autres poissons sont proposés aux acheteurs. Les transactions ne semblent pas se faire à la criée. A l'heure de ma visite il y a une faible activité de vente. Je croise un groupe de touristes, pressés, l'appareil en bandoulière. Je préfère de beaucoup notre façon de voyager le nez en l'air, nous transformant en badauds à chaque occasion, sans besoin de voir tous les monuments qu'il ne faut pas rater.

Dans le prolongement d'un quai, des terrassiers creusent à la pioche une longue et profonde tranchée dans un terrain très dur et caillouteux. Ce sont presque tous des noirs. Il fait chaud, la lumière est vive.

Vendredi 8 novembre
Hier, le gardien du port de plaisance nous a signalé qu'un plastique était enroulé autour de l'hélice. Ce matin il faut plonger. Une fois le tuyau d'eau branché sur le quai, le shampooing et le savon sorti avec la serviette de bain, je plonge. Il ne faut pas trop penser à ce qui flotte, aux couleurs irisées, aux rats, aux poissons morts, aux déjections d'oiseaux, etc. Il faut faire vite. C'est vite fait et la douche est appréciée.

L'après midi est consacrée à la sieste, le cybercafé, les visites. C'est la routine. Les sensations ne sont cependant jamais absentes.

DE TANGER A MOHAMMEDIA

Dimanche 10 novembre
Partis à 9h20 samedi, nous sommes en pleine navigation à quelques miles de la côte lorsqu'à 9h un thon (Thunnus Thynnus) de 2 kg et 50 cm essaye d'avaler notre rapala blanc à rayures orange. Il termine son existence en tranches grillées à midi. Excellent. Cela change des pâtes sauce italienne.

(cliquer sur la photo pour l'agrandir)

Thunnus Thynnus

 

Au loin de hautes cheminées couronnées de nuages aux couleurs étranges indiquent la position de la raffinerie de Mohammedia. Heureusement que les vents dominants soufflent dans la bonne direction et évitent une pollution importante à la ville. Il n'y a pas de place au ponton de la plaisance dans le port, nous resterons au mouillage dans l'avant port. Un voilier Lorelei français est déjà ancré à l'abri de la longue jetée.

Lundi 11 novembre
Le matin nous réalisons le plein d'eau au ponton plaisance de Mohammedia. Le responsable commence par nous tendre gentiment le tuyau de service puis il met la pression. Une fuite se produit alors sous notre nez, une de nos mains se ferme pour limiter la fuite, un second jet apparaît aussitôt à quelques dizaines de centimètres, une deuxième main empoigne le tuyau, puis une troisième main est mobilisée, et une quatrième ensuite. Des trous il y en a plus de dix qui aspergent chacun dans une direction. Nous rions de bon coeur. Malgré les fuites nous remplissons nos modestes réservoirs (200 litres de contenance totale).

L'après-midi nous visitons un peu Mohammedia, ville présente deux visages totalement différents. D'une part une ville très moderne où les très larges rues et avenues bordées d'immeubles blancs et la magnifique esplanade fleurie sur le boulevard Mohamed V nous paraissent peu actives et froides. A coté, la ville populaire grouille, sympathique. Nous y trouvons un petit marché sous les beaux remparts de sa Médina. Le port est excentré ce qui nous permet de dérouiller nos jambes ‘atrophiées' par nos longues navigations.

Mohammedia (carte postale)

Lors du retour vers Onézif, notre frêle annexe a le malheur de rencontrer la vague d'étrave d'un chalutier rentrant à vive allure au port. Je crois intelligent de mettre en fuite, au lieu de procéder comme à l'habitude étrave face à la vague. C'est oublier que l'arrière du pneumatique est lesté du poids des deux plus gros équipiers, la lame ne soulève pas notre embarcation mais se contente de la submerger. Nous embarquons environ deux grands seaux d'eau salée, nous accompagnons cet incident de quelques cris de surprise et vociférations. Le ponte d'Onézif se transforme ensuite en étendoir sur lequel voisinent pantalons, polos, chaussures. 
En conclusion il vaut bien mieux couler bravement en regardant le danger de face !

Mardi 12 novembre
La météo est correcte, Onézif envisage de partir le soir, avant 22 heures, pour El Jadida. En attendant nous allons (les hommes) visiter rapidement Casablanca. Un petit taxi nous conduit jusqu'à la belle gare de Mohammedia, nous attendons le train assis à l'ombre des arbres qui agrémentent les quais. Nos petites gares françaises pourraient bien s'inspirer de leurs consoeurs marocaines pour la verdure et les arbres. Le trajet dans un confortable wagon de 2e classe nous conduit en 17 minutes jusqu'à Casablanca Port. Le long des voies nous longeons des champs labourés à l'aide de charrues tirées par des chevaux efflanqués, des zones pierreuses et nues, des fermes ceintes de murs ou de haies de figuiers de barbarie. Partout, le long de ces grandes étendues, des gens circulent à pied ou sur de rares vélos ou mobylettes. Arrivent les faubourgs miséreux aux toits en tôles percées recouvertes de plastiques fatigués retenus par des cailloux ou des morceaux de moellons. Dans une cour une femme, courbée, balaye consciencieusement sa modeste cour. De l'autre coté des voies des bâtiments industriels et des entrepôts du port défilent avant l'arrêt de notre train.

Dans la rue la circulation automobile est intense, les piétons s'entrecroisent, affairés. C'est bientôt la fermeture des magasins pour cause de Ramadan. Nous essayons de trouver un bassin réservé à la plaisance, en vain. Dommage car Casablanca mériterait que les voiliers de passage y fassent escale de quelques jours.

(cliquer sur la photo pour l'agrandir)

Casablanca (carte postale)

Nous marchons au hasard, boulevard Houphouët Boigny, avenue Houmane el Fetouaki, rue du Prince Moulay Abdallah, rue Mostafa el Maani, etc. Partout nous admirons les beaux immeubles érigés sous l'impulsion de Lyautey tels que l'immeuble du Glaoui, l'immeuble Shell, et un peu plus récent le garage Fiat. Le retour au port nous conduit le long du Parc de la Ligue Arabe puis à la Place Mohammed V.

Dans le train du retour un contrôleur nous offre une datte, nous le prenons comme un signe de bienvenue de l'ONCF envers ses clients.

21h. L'ancre est remontée. Onézif contourne la jetée du Port de Mohammedia, en route pour El Jadida que nous escomptons atteindre le lendemain au lever du jour.

Ø Nouvelles suivantes
Ø Sommaire de la croisière aux Antilles