Nouvelles d'Onézif du 18 février 2003

LA TRAVERSEE Canaries -Antilles (première partie)

 

Mercredi 18 décembre - LE GRAND DEPART
Ce matin à Las Palmas de Gran Canaria le ciel est nuageux et peu engageant. Cependant la météo étant acceptable, il est 9 heures 10 nous larguons les amarres. « Point à la ligne » le voilier de Pascal et Antoine, nos voisins de ponton et compagnons de rencontre, fait de même. Ce dernier passera les fêtes au Cap Vert, nos routes seront donc divergentes.

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Onezif - Le voilier "Point à la Ligne", Pascal et Antoine

 

Onezif - Onézif le Melody à Las Palmas (Gran Canaria)

Pascal et Antoine et de jeunes équipiers de rencontre

L'équipage d'Onézif  quelques minutes avant le grand départ

9h20 – Le pilote réparé ne marche pas, seul le vérin fonctionne de nouveau correctement. Malgré nos essais il refuse de travailler correctement. Comme nous avons deux autres pilotes nous décidons de poursuivre notre route. 

Cap sur Barbados, adieu les Canaries.

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Iles Canaries

 

Très vite le soleil remplace les nuages et notre première journée est agréable. La mer est belle à peu agitée, la luminosité est agréable, a 14 h le vent prend le relais du moteur. Nous avons opté pour une route légèrement plus au Sud que ce que nous annoncions car l'Alizé serait assez bas.

L'organisation de nuit se met en place immédiatement, nous devons faire chacun la moitié de la nuit en un seul quart. Mon frère peinant à s'endormir assurera la première veille, je terminerai ensuite la nuit.

Jeudi 19 décembre
Nous avions décidé qu'à minuit nous mettrions nos montres à l'heure de notre fuseau horaire. Ce changement m'est favorable car je profite d'une heure de plus. Facile dans ce cas de tenir son quart.

Dans mon sommeil j'avais entendu le moteur se mettre en marche signe que le vent nous avait abandonnés. Je décide de le laisser tourner jusqu'au réveil de mon frère. Après il faudra changer nos habitudes de marins côtiers pour se mettre dans la peau de navigateurs aux longs cours. Nous devons avancer à la voile et uniquement avec ce moyen

Dans la journée nous essayons différentes configurations de voilure mais nous avançons peu. Notre spi ne se gonfle même pas. A 18h nous plions les voiles qui ne font que battre et nous décidons d'attendre patiemment l'arrivée du vent. Celui se manifeste timidement à 20 heures. Nous déroulons le génois pour voir. Onézif s'ébranle faiblement, nous attendrons plus d'air pour hisser la grand voile.

Vendredi 20 décembre
Pendant toute la nuit la lune nous accompagne. La lumière permet presque de lire un journal. Bien que la température de l'air soit de 20° il faut se couvrir sérieusement.

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Onézif avance très lentement, mais l'allure est confortable. Je somnole dans le cockpit, alerté toutes les 15 minutes par notre minuteur pour observer notre environnement. Seuls deux gros navires croisent au large au petit matin. Peu après des dauphins entourent Onézif et lui font un brin de conduite.

9h. Ces dernières 24 heures nous avons parcouru 47 miles, c'est bien peu.

Une partie de la matinée est consacrée à la réparation de la cloche de tangon car nous l'avons abîmée la veille dans une manoeuvre mal maîtrisée. La réparation nous paraît solide et nous sommes confiants pour la suite. Nous pouvons ensuite mettre les voiles en ciseaux avec le génois tangonné.

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Onézif - réparation de la cloche de tangon (1)

Onézif - réparation de la cloche de tangon (2)

Réparation du tangon

Samedi 21 décembre
Toute la journée nous nous traînons faute d'un vent suffisant. C'est pareil la nuit.

Dimanche 22 décembre
A 4 heures le souffle bref des attire mon attention. Avec le clair de lune il est possible de les apercevoir. Ce petit spectacle est un agréable dérivatif dans un quart monotone.

J'ai la chance, avec notre organisation des quarts, d'assister chaque jour au lever et au coucher du soleil. Ce matin le ciel est clair, limpide. Seuls quelques petits nuages sombres, à l'horizon, tentent vainement de masquer l'énorme soleil orangé. Quel regret de ne pas être peintre.

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Onezif - A bord d'Onézif, lever de soleil sur l'Atlantique

Inezif - coucher de soleil sur l'Atlantique

Lever de soleil

Coucher de soleil

Le vent reste encore modeste toute la journée et toute la nuit.

Au réveil mon frère me raconte avoir rêvé, pendant la nuit, qu'il se trouvait dans un port à bord d'Onézif. Intéressant non ?

Lundi 23 décembre
Depuis minuit Onézif est en panne de vent. Le génois est roulé, la grand voile bat, la barre est attachée. Vers 4 heures une légère brise permet de dérouler le génois et d'avancer à 2 noeuds.

Le vent variable et souvent faible nous oblige à découvrir la patience en navigation. Il faut faire avec les conditions de mer et de vent, aucune autre solution comme lors de nos croisières antérieures.

A 18h15, alors que nous buvons l'apéritif dans le cockpit, un porte containers. se déroute pour passer derrière Onézif. Cela nous conforte dans notre idée d'effectuer une veille attentive malgré les rencontres rarissimes

Depuis plusieurs jours nous avons arrêté le frigidaire car sans vent pas de vitesse et sans une vitesse voisine de 5 notre hydro générateur est insuffisant pour compenser tous nos besoins en électricité. Nous privilégions, c'est évident, nos instruments et l'éclairage (feux de route et carré).

20 heures, le vent forcit légèrement et le voilier avance à 4 noeuds.

Mardi 24 décembre
Au changement de quart de nuit le vent est de force 4. C'est bien pour un vent arrière avec les voiles en ciseaux.

Le vent est instable en direction et nous empannons la grand-voile involontairement plusieurs fois. Le frein de bôme en atténue largement les effets et les risques. Pour éviter les efforts trop violents, lors de ces empannages, nous prenons 2 ris et roulons le génois au premier repère.

12h25 Zzzz…zz fait le moulinet, puis plus rien. Nous venons de perdre notre premier leurre. C'était mon rapala fétiche, le blanc avec une tête rouge.

Rapala fétiche

A midi nous nous rabattons sur un couscous en boite. Nous profitons de l'occasion pour boire le vin offert par Fred de La Licorne la veille de notre départ. Nous le trouvons fort à notre goût (Côtes du Rhône 2001, La Delphinade, vin des villages de Mirabel et Piégeon - Drôme). Merci Fred pour ce moment de plaisir !

En fin de matinée le pilote Autohelm 2000 tombe en panne. En l'ouvrant nous découvrons une vieille cassure, mal réparée, du support de compas. Un peu de colle araldite, un morceau de tube plastique prélevé sur un stylo bille, deux petits colliers rilsan, un peu d'adresse et deux longues heures de travail permettent de le faire fonctionner de nouveau.

15h15 Zz...z, nous sortons de l'eau un magnifique poisson jaune d'or, avec des nageoires bleu marine. Je suis heureux de la capture de notre première dorade coryphène (52 cm, 750 g). Ce qui nous surprend beaucoup c'est que ce poisson perd sa belle couleur en même temps que la vie. Au dîner nous la préparons grillée dans l'huile. Le résultat est assez fade d'autant que la peau épaisse a fait barrière au sel. La chair nous paraît fine mais nous sommes déçus.

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Onezif - petite dorade coryphène

Onezif - Dorade coryphène / Coriphaena hippurus (croquis)

Dorade coryphène

Mercredi 25 décembre
Au point de 9 heures du matin nous constatons avec plaisir que nous venons de parcourir 120 miles en 25 heures (1 heure de plus pour cause de changement de fuseau horaire vers 2 heures du matin - 22° 30' Ouest). C'est la première fois que nous dépassons les 100 miles dans une journée.

Bilan de la première semaine de navigation : 91 miles le mercredi 18 (avec moteur), 47 le jeudi, 87 le vendredi, 50 miles le samedi, 58 le dimanche, 86 le lundi et 120 le mardi. Au total le loch nous donne 539 miles pour la semaine, soit 77 par jours, la vitesse moyenne est donc de 3,2 noeuds. Le GPS nous donne presque le même résultat. Nous n'avons pas bénéficié de courants portants.

C'est le premier Noël que je passe sans mon équipière depuis 1963. Avec mon frère nous avons un peu de vague à l'âme ce début de journée. Heureusement le Père Noël est passé à bord d'Onézif pour nous consoler et le bateau se charge de nous occuper.

A midi nous apprécions le repas de fête : foie gras, coquilles St Jacques à la bretonne, confit de canard aux raisins blonds et aux oignons avec une garniture de gansettes al dente, fromage espagnol, fruits et café. Nous arrosons ces mets avec un Chassagne Montrachet 1er cru GB 2000 suivi par un Pomerol 1996 Château de Beaulieu.

A bord de notre Melody les manoeuvres se font de mieux en mieux, en particulier celles avec le tangon. Il reste pourtant une bonne marge d'amélioration.

17h30 ZZ.. et nous attrapons une dorade coryphène de 800 g et 57 cm. Vidée immédiatement, elle se retrouve dans le frigo pour demain.

Jeudi 26 décembre
Le pain longue conservation que nous avions acheté à Las Palmas se terminant j'entreprends de faire ma première fournée. Je décide d'utiliser une recette parue dans Voiles et voiliers n° 379 de septembre 2002. Elle est longue et compliquée et je me montre un piètre boulanger. Pendant mon travail Onézif fonce à plus de 5 noeuds sur une mer agitée. Les deux miches obtenues avec le kilo de farine sont à peine mangeables, surtout la première. Il faut bien nous en contenter

Pour le repas du soir je prélève sur la dorade pêchée la veille les filets. Après les avoir farinés ils sont grillés dans l'huile, comme la veille. Le résultat est surprenant, cette fois c'est excellent.

A 22 heures le pilote Autohelm 2000 nous laisse tomber. Le Navico TP 5500 assure le relais. Nous verrons à dépanner demain, si c'est possible.

Vendredi 27 décembre
La mer est formée et la houle de NW fait 1,5 à 2 mètres, Onézif roule sérieusement. Tenir son journal personnel dans ces conditions n'est pas facile. Chacun a sa méthode. Moi je préfère me mettre à la table à carte, un pied sur le coffre à batteries pour rester sur le siège, de l'autre côté l'épaule droite se cale contre la cloison tribord. D'une main il faut cramponner son cahier, de l'autre écrire. Lorsque qu'une vague chahute plus le bateau il faut s'arc-bouter pour rester en place et garder ses ustensiles sur le plan de travail. Les ratures sont multipliées et le "Tipp-ex" est très utilisé.

Ce matin nous avons l'impression que nous avons trouvé l'Alizé. C'était peut-être le cas, déjà, mardi ou mercredi. Malgré notre semaine au ralenti nous espérons toujours arriver à Barbados en moins de 4 semaines.

Entre 8 heures et 14 heures j'attrape deux dorades dont une est remise à l'eau. Une troisième, bien grosse, se décroche au pied de la plate-forme arrière à cause de ma maladresse. D'habitude je rentre ma ligne au premier poisson mais aujourd'hui j'espérais attraper un thon ou autre chose.

Le temps passe vite à bord d'Onézif. Il faut dire qu'à deux la marche du bateau demande à chacun beaucoup de temps. Nous avons aussi de longs moments de contemplation. La houle fascine et le sillage attire le regard. Les couleurs changeantes du ciel, de la mer, des nuages et des astres, nous hypnotisent également. Finalement il reste peu de temps pour lire et nous le regrettons.

Samedi 28 décembre
2h15 c'est mon tour de veiller. Il faut commencer par bien se réveiller, un grand verre d'eau y participe. Malgré les 23° dans le bateau et dehors j'enfile mon jean et une polaire légère sous ma veste de ski et je termine avec ma brassière gonflable. Malgré la température qui paraît douce il faut bien se couvrir. Est-ce à cause du vent, de la fatigue, de la relative immobilité ?

Certains jours il est facile de rester éveillé. Pour le moment je peine. Tous les moyens sont bons pour lutter : air frais, lumière, écrire, boire un thé. Aucun n'est efficace bien longtemps. Heureusement le petit minuteur de cuisine me sort de ma somnolence chaque quart d'heure pour que j'effectue un tour de veille. Depuis quatre jours nous n'avons vu aucun bateau mais sécurité oblige.

Au petit matin nous découvrons sur le pont notre premier poisson volant, mort, sur le pont. C'est un exocet qui paraît desséché par l'air chaud de la nuit.

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Onezif - Poisson volant : Exocet (croquis)

 

Onezif - Poisson volant : Exocet

Exocet

7h20, je rejette à l'eau une dorade et range la traîne car il nous reste une dorade au frigo. Le soir nous en mangeons, avec plaisir, les filets accompagnés d'une ratatouille et d'un verre de Sancerre.

Dimanche 29 décembre
Le matin plusieurs exocets gisent sur le pont. C'est surtout en début de matinée que nous admirons leurs envols et leurs ricochets sur les vagues.

Au lever du jour je déroule notre ligne de traîne avec un leurre en forme de petit calamar rouge. A 7h16 une daurade de 1,300 kg et 65 cm est prise. La séance de pêche est terminée.

Onézif avance vent arrière avec GV au 2e ris et génois tangonné. A 17h45 pendant que mon frère se repose survient un empannage peu violent, me semble-t-il. Je m'apprête à remettre la grand-voile sur la bonne amure lorsque je me rends compte que la bôme est cassée en deux morceaux au niveau du hale bas. Les bras m'en tombent et je reste comme sonné durant quelques secondes. Puis je réveille mon équipier en lui disant que j'ai besoin d'aide, sans plus de précision. Je tiens à le réveiller en douceur. Il s'attend à effectuer une manoeuvre banale mais je lui montre le désastre.

Très vite nous descendons la voile qui présente un accroc à un oeillet de garcette de ris et nous la plions le long des filières. Ensuite nous démontons les tronçons de bôme et les assurons par des cordages sur le pont à tribord. Enfin nous déroulons complètement le génois ce qui permet d'avoir une vitesse d'environ 5 noeuds. Il est 19h45, la nuit est tombée depuis longtemps.

Au repas du soir nous décidons de changer notre destination, ce sera la Martinique. Nous pensons qu'il y sera plus facile d'y faire changer la bôme. Cette nouvelle destination ne change pas notre cap du moment car nous visons un point de passage encore éloigné de 465 miles.

à suivre ...

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