Nouvelles d'Onézif du 1 mars 2003

LA TRAVERSEE Canaries - Antilles (deuxième partie)

 

(Rappel : Onézif a cassé sa bôme le 29/12 à 17h45)

Lundi 30 décembre
Réveil à 2h20. Difficile, la bête est fourbue. Je me secoue. Allez ! La vie continue ... et nous réparerons la bôme !

Après le petit déjeuner et la vaisselle nous "toilettons" la cassure de la bôme de notre Melody. Lime et scie à métaux font l'affaire et bien vite les deux moignons sont présentables. Notre intention est d'insérer à l'intérieur du profile d'aluminium des planches de bois que nous ajusterons et boulonnerons. Nous allons prendre les matériaux dans les planches antiroulis de la cabine avant et dans une planche servant de passerelle occasionnelle. C'est maintenant que tous nos outils qui allourdissent et freinent notre voilier vont se montrer utiles ... et heureusement nous sommes adroits de nos mains. Il nous reste quelque chose de nos scéances d'atelier à l'E.N.P. de Vierzon vers 1960.

 

La matinée se passe à confectionner des gabarits de profiles. Après le repas nous attaquons le gros du travail avec une scie égoïne et une râpe à bois. A la tombée de la nuit, lorsque nous arrêtons le chantier, le cockpit est plein de sciure et le carré tout poussiéreux à cause du vent arrière. Vite il faut tout nettoyer.

Sciure

Mardi 31 décembre 2002
Réveil à 2h20, il semble que maintenant ce sera mon heure de prise de quart. Onézif avance lentement à 2 noeuds. A 4 heures j'attaque la préparation du pain. Peu après lever du jour j'enfourne le premier pain, l'autre suivra ensuite. Le premier pain est le meilleur. Il faut que je progresse encore beaucoup pour arriver à quelque chose de bon.

Dans la matinée nous continuons à râper les deux renforts intérieurs de la bôme. Centimètre par centimètre nous progressons. Avant la nuit nous somme contents du travail effectué : les deux renforts internes sont en place et vissés.

A 19 heures nous entamons notre repas de réveillon : foie gras, poulet sauté à la Solognote, fromage espagnol, fruits. Le vin vient de Mercurey, pour le blanc : Mercurey premier cru "Clos des Combins" de G. et Ph. Menand, pour le rouge : Mercurey premier cru d'Antonin Rodet. Par mesure de sécurité nous avons supprimé l'apéritif et le digestif. A 2h30 tout est fini et mon frère assure le premier quart pendant que j'éteins la lumière pour me reposer.

 

Mercredi 1er janvier 2003
La nuit m'a semblée plus longue que d'habitude et mon quart se passe difficilement. En plus il n'y a rien à regarder, pas de bateau, pas de dauphin, pas de lune, les nuages cachent une grande partie du ciel. Il fait noir !

Noir

A midi nous passons le méridien 37° 30' W et nous changeons nos montres d'heure. Maintenant nous avons quatre heures de décalage avec la France.

La journée est entièrement occupée à fabriquer deux renforts extérieurs que nous boulonnerons avec quatre morceaux de tiges inox de diamètre 8.

Jeudi 2 janvier
Depuis deux jours la vitesse étant insuffisante pour assurer une bonne charge des batteries nous avons coupé le frigo. Le vent semblant vouloir persister nous remettrons en marche notre précieux frigo. Avec un peu de froid l'apéro est bien meilleur, le vin blanc aussi et les terrines de pâté également. Il faut dire que dans le bateau il ne fait jamais moins de 25 degrés et, vers midi, le thermomètre atteint 30 degrés.

A midi nous terminons de boulonner les renforts de la bôme. Nous la remettons en place, c'est agréable d'avoir de nouveau cet espar au-dessus de la tête. En signe de fête l'après-midi est consacré à la sieste et aux loisirs.

Avant le repas du soir alors que les oeufs de l'omelette sont battus et attendent la fin de la cuisson des pommes de terre sur la paillasse du frigo, un coup des gîtes plus prononcé renverse la préparation. Comme le cuisinier est occupé ailleurs les oeufs coulent dans le frigidaire et dans le petit coffre voisin. C'est un sacré boulot de tout nettoyer. Il faut essuyer ou laver chaque paquet, chaque boite de conserve, chaque bouteille, etc. Finalement avec 5 autres oeufs l'omelette est excellente. Le secret de l'omelette berrichonne est dans la cuisson des pommes de terre.

 

Vendredi 3 janvier
Jour du pain. 
Dans la matinée nous renforçons la bôme par un brêlage réalisé avec des amarres volantes. Ensuite nous installons un hale bas de chaque côté du bateau. Nous pourrons utiliser la grand-voile au deuxième ris et peut-être au premier.

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Onezif - Casse de la bôme Onezif - Comment réparer la bôme du Melody Onezif - bôme en cours de réparation
La casse
Plan du travail
Bôme avant le brêlage

Aujourd'hui vent d'Est force 5 à 6, la mer est forte à cause d'une bonne houle. L'après midi le vent ayant forcit un peu, Onézif étant parti en "surf" à 9,2 noeuds nous roulons un peu le génois.

L'hydro générateur Aquagen4 montre des signes d'usure inquiétants. En effet les demi paliers en bronze de l'arbre moteur sont complètements usés par la manille de 8. Nous remplaçons paliers et manille de 8 par une manille inox de 10 mm. Pour garder la manille bien centrée nous utilisons deux colliers rilsans de 10mm de large. Cela semble parfait. Il faudra tout de même surveiller attentivement cette réparation.

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Onezif - Réparation de l'hydro générateur Aquagen4

Réparation de l'hydro générateur

Samedi 4 janvier
Le matin quelques gouttes de pluie viennent rompre la monotonie des jours de sécheresse. Ce n'est guère plus qu'un crachin.

A midi nous avons une pensée pour Nathalie de la Licorne car nous buvons son vin : Côtes du Rhône villages 2000, Vignerons de St Gély Cornillon 30630 Coudargues. Merci Nathalie d'avoir contribué au bon moral de l'équipage.

Onézif ayant retrouvé sa bôme l'ambiance est à la pêche. Vers 17 heures nous prenons une daurade coryphène de 1,2 kg.

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Onezif - dorade coryphène

Dorade coryphène de 4,2 kg et 93 cm dans le cockpit d'Onézif

Dimanche 5 janvier
Mal réveillé à la prise de quart, je manque me casser le sternum ou une côte contre la cloison de la table à carte. Il faut vraiment faire très attention avec le roulis violent qui survient par moment. Je suis heureux de m'en tirer avec une forte douleur qui se rappelle régulièrement à moi. Pour l'instant nous avons évité tout accident grave, il faut continuer d'être vigilant.

Pendant la sieste de mon frère j'attaque la couture de la grand-voile. Il faudra continuer demain.

Lundi 6 janvier
Journée pain, cette fois je procède à une seule cuisson pour les deux miches. C'est une réussite. Nous en profitons pour faire de belles grosses tartines au petit-déjeuner.

L'eau de l'océan est à 25°. C'est un plaisir de prendre une douche assis sur la plate-forme de bain. Nous avons une pensée pour ceux qui ont froid dans notre beau pays de France.

Fin de la réparation de l'accroc sur la grand-voile. Nous pourrons la gréer sur la bôme dès demain.

Mardi 7 janvier
Toute la nuit Onézif avance bien. Le vent se maintient comme ces derniers jours à force 4 ou 5. Au point de 8 heures nous sommes à 575 miles de l'Ilet Cabrit au Sud de la Martinique. Si le vent le veut nous y serons dans 5 jours.

Vers 8h10 mon frère me dit « Regarde ton ... regarde, il a un ennui ton ... je ne trouve pas le mot ... regarde le génois. » Je découvre avec stupeur que l'enrouleur de génois semble vouloir s'envoler, le génois bat comme un immense drapeau. La ferrure d'étrave est rompue. La voile, l'enrouleur, les écoutes et le tangon battent dans le vent. Les mouvements sont amplifiés par une méchante houle. « Attention c'est dangereux ! » « Il faut essayer d'immobiliser l'enrouleur. » C'est ce que nous entreprenons avec un cordage. Le voile continue à battre et bientôt elle commence à se déchirer. J'essaye de larguer le crocher qui la maintient en l'air mais les tubes de l'enrouleur sont déjà désassemblés. Le tissu reste coincé, il continue de partir en lambeaux. Nous tirons de toutes nos forces pour faire descendre ce qui peut être sauvé. « Mon génois ! ... mon beau génois ! » A la fin seul le couteau Opinel permet de libérer le dernier pan de tissus.

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Onezif - rupture de l'étai et déchirure du génois
  - Mon génois ... mon beau génois ... !
  - Voila le couteau que tu m'as demandé.

Opinel

Le moral est au plus bas. Mon génois de moins de 6 mois est ravagé. Nous l'évacuons dans le carré pour dégager le pont.

A 10 heures nous faisons de nouveau route avec le foc n° 2. Un peu d'eau et quelques biscuits chocolatés nous permettent de prendre des forces et de réfléchir posément.

A 14h la grand-voile est hissée au 2e ris. Onézif avance à 2,8 noeuds avec 13 noeuds de vent (noter que le loch doit déjà mal fonctionner mais nous n'en savons rien). Nous prenons un moment pour manger et boire.

Depuis plusieurs jours notre troisième pilote, le dernier, donne des signes de faiblesse. La nuit dernière les choses ont empiré. Lorsqu'il pousse la barre il fait entendre des bruits plus qu'inquiétants et il semble patiner. Il parait perdre des dents sur un engrenage. Nous ne pouvons continuer ainsi. Il faut tenter de réparer.

Le soleil est violent, la chaleur étouffante. Mon frère prend la barre et je descends le pilote sur la table du carré. Il est ouvert malgré le roulis prononcé. Le mal provient du pignon en plastique qui entraîne la vis sans fin. Une zone d'environ 1 cm ne montre plus que des moignons de dents. Alors le pignon en bronze du moteur a bien du mal à actionner la barre lorsqu'il engrène sur cette zone. La seule solution à notre portée est d'essayer de retailler les 7 à 8 dents correspondantes. Après démontage le travail est entrepris avec une mini scie à métaux, un tiers-point, mon Opinel. Au passage je m'entaille sérieusement un doigt.

Lorsque les dents sont retaillées le moteur engrène bien. Hélas le pignon a une forme de patate qui provoque des blocages. Avec la lime j'essaie d'atténuer les différences de relief. Après plusieurs retouches le pilote semble pouvoir travailler. Nous le mettons en place et apprécions son bruit sympathique. Il reste une inconnue de taille : la fiabilité de cette réparation. En cas de défaillance il nous faudra barrer 24 heures sur 24. A deux ce ne sera pas franchement une partie de plaisir.

20 heures, je dois songer à me reposer mais le sommeil ne vient pas. Maintenant, après l'action permanente de la journée, les pensées m'assaillent. Mon "second préféré" saurait sans doute m'aider à retrouver un peu de sérénité, s'il était là.

Pour la journée le loch indique qu'Onézif a parcouru 75 miles et le GPS donne 106 milles. Bizarre ! Ne trouvez-vous pas ?

(à suivre)

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