Nouvelles d'Onézif du 22 mai 2003

DES BERMUDES AUX ACORES (Flores)

Jeudi 1er mai 2003
(St George - Bermuda Islands)
Nous avons recours plusieurs fois aux deux dames du Visitor's Service Bureau pour trouver les magasins et cybercafés que nous cherchons. Elles sont aussi efficaces que souriantes malgré la horde des touristes, dont nous faisons partie, qui les assaillent de questions variées.

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Onezif - St George's Harbour (Bermudes) paquebot et voiliers

Onezif - St George's (Bermudes / Bermuda)

Vues de Saint George et drapeau Bermudien

Après quelques achats au mini market du coin nous prenons le bus n° 10 pour aller près de Shelley Bay à Market Place où se trouve une grande surface. Le trajet de 9 kilomètres nous permet d'admirer en chemin la côte découpée de baies dentelées, l'eau bleue, les maisons de toutes les couleurs, les hôtels de luxe, un des 8 terrains de golf que compte cette île de 25 km de long, la lenteur des BMW qui roulent à 30 km/h comme tout le monde, un quadri réacteur de l'US Air Force sur le tarmac de l'aéroport, une classe de collégiens en uniforme bleu, etc. Le car nous dépose devant une place, au fond The Market Place, la grande surface que nous cherchions.

Nos achats effectués, sans oublier les 8 tablettes de « whole nut chocolate » de Cadbury, nous attendons un taxi devant le magasin. Une grand-mère élégante et charmante nous demande en passant si nous attendons un taxi. Après une réponse affirmative de notre part elle poursuit son chemin jusqu'au bord de la route. Mon frère subodore une mauvaise intention de notre aimable dame. Je refuse de la rejoindre pour parer à cette éventualité. Arrive un taxi, elle l'arrête et nous la voyons monter. Nous attendons encore un peu puis nous demandons un autre taxi. L'attente dure encore un quart d'heure avant de pouvoir prendre la direction de St George à 25 mp/h. Le chauffeur de taxi roule en zigzaguant car il allume cigarette sur cigarette avec un briquet qui ne marche pas et fenêtres ouvertes. La course nous coûte 17 $, avec le "tip".

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Le chauffeur de taxi reste pour nous regarder. Sans doute que voyant la taille de notre canot pneumatique, il se demande comment nous allons nous en sortir avec nos deux bacs plus un grand sachet de victuailles. C'est un succès nous arrivons sans coup férir jusqu'à Onézif.

Nous reprenons notre frêle esquif pour rejoindre le White Horse, pub et restaurant, où nous dînons pour fêter notre départ. Le repas est bon, la bière aussi. Il fait frais sur la terrasse avec vue sur Ordnance Island, sur le beau paquebot blanc qui y est amarré et sur la statue en bronze de Sir George Somers. Nous avons enfilé un sweat-shirt, le premier depuis plusieurs mois. Le café une fois bu nous retournons sur Onézif pour le pousse-café.

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Les Bermudes

Vendredi 2 mai
Descente à terre pour la météo et les formalités obligatoires. Le vent prévu pour la nuit prochaine est 20 à 30 noeuds (force 6 à 7). Nous trouvons que c'est un peu inconfortable pour une première nuit en mer et nous décidons d'attendre demain. J'en profite pour réparer, pas aussi bien que j'aurais aimé, le gros brûleur de la gazinière car il ne tenait plus le ralenti.

L'après midi mon frère descend à terre pendant que je rattrape le retard dans mon journal de voyage.

Samedi 3 mai
La météo étant bonne nous quittons St George's Harbour à 11h20. Le vent est WSW et nous déroulons uniquement le génois. Cap au 65 vrai. Lorsque nous sommes légèrement éloignés des îles Bermudes, nous hissons la GV et infléchissons notre route de 15° vers le nord. Ainsi Onézif supporte mieux la houle, nous aussi. Elle fait 1,5 à 2 mètres.

Le vent faiblit avec le coucher du soleil, la nuit va être lente. Mon frère assure le premier quart comme cela est devenu l'habitude.

Dimanche 4 mai
2h30, c'est à moi de veiller. Pendant que nous sommes deux réveillés nous passons tangon et génois d'un bord sur l'autre. Le passage des consignes est rapide : peu de vent, depuis notre départ la vitesse moyenne est de 3 noeuds, pas de quoi s'enthousiasmer.

De 4h à 6 heures j'ai les paupières lourdes. 7h30 un pétrolier sur ballasts passe devant Onézif, il semble aller vers le Cap de Bonne Espérance. 8h10, le vent s'établit à 10 noeuds, Onézif qui le reçoit de travers se cale à plus de 5 noeuds. 10h, je me réveille d'un petit somme de moins d'une heure. Pour bien faire il faudrait entre 1h30 et 2h pour assurer facilement la nuit prochaine.

14h35, je suis assoupi depuis peu. Riquet m'appelle, le vent souffle bien il faut réduire la voilure, en plus il pleut à verse. Le temps de m'équiper est un peu long car Onézif gîte fortement. Nous roulons une bonne partie du génois, aussitôt après le vent redevient normal.

A partir de 20h les orages se rapprochent, Des éclairs illuminent de gros nuages noirs presque sans interruption. Mon frère surveille sans arrêt l'évolution et le trajet de ces orages multiples.

Lundi 5 mai
2h30, les voiles battent, le vent est de 30 noeuds, les rafales sont en plus. La pluie est violente. Nous réduisons la voilure et déposons le tangon. Ce n'est pas facile bien que le vent violent aplatisse temporairement la mer. Finalement la GV est au 2e ris, le génois au 3e. Onézif s'en ressent bien nous aussi. La petite houle fait de 1,5 à 2 mètres, elle est croisée par une autre houle plus modeste.

Un poisson fait du surf derrière Onézif. Il paraît bien petit. Il mesure 36 cm et pèse 500 g et est gris jaunâtre. Je crois que c'est une liche. Le soir nous la dégustons grillée après l'avoir mise mariner avec du citron, de l'huile d'olive et des épices pour grillades achetés au marché de Pointe-à-Pitre. Le résultat plait aux deux marins d'autant plus que le vin blanc Malvasia Seco 2001provient de La Geria, sur l'île de Lanzarote. Il est très agréable et différent de nos productions nationales.

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Onezif - une petite liche (poisson)

Une liche

Malvasia

A propos de vin, le capitaine d'Onézif n'a pas bien répertorié toutes les bouteilles offertes par la famille et les amis au départ des Embiez. Cela fait que nous ne pouvons pas vous parler du destin précis de chaque bouteille. Sachez que nous n'avons eu que du plaisir avec vos différents crus, qu'ils soient de Bourgogne comme ce vin de Beaune qui nous laisse un souvenir inoubliable, mais aussi de Bordeaux, de Loire, des Côtes du Rhône, etc. Merci à tous. En conclusion, je vous invite à confier chaque année quelques bonnes bouteilles à Onézif parce qu'il aime le bon vin pour ses croisières estivales, ses équipages aussi.

Onezif - bon vin dans la cave de notre Melody

du bon vin, la cave d'Onézif

Mardi 6 mai
2h30, lever. 3h mon frère se couche dans la cabine avant. 7h, enfin l'heure de mon petit déjeuner. C'est rituel : chocolat au lait, petit pain avec de la confiture d'abricot et du miel. Ensuite un café pour donner un peu de tonus à la mécanique légèrement lasse en ce début de journée. 7h40 le bulletin météo sur RFI. Pendant ce temps mon frère se lève puis déjeune. Lui son truc le matin c'est lait avec du café lyophilisé, tartines à la confiture de préférence de fruits rouges.

   

Aujourd'hui nous sommes, à 8 heures, par 35° 11' N et 59° 47' W et nous mesurons un courant contraire de 1,5 noeuds. Cela fait que nous n'avons progressé que de 3,2 milles vers notre destination au lieu des 4,2 attendus, ce qui n'est déjà pas beaucoup. A partir de là nous mesurons presque chaque heure le courant. Nous avons à bord les Pilot Charts of The North Atlantic Ocean prêtés par Michel, catamaran l'Oiseau rare. Ces cartes américaines très riches en renseignements maritimes tels que courants statistiques des vents, les routes des navires de commerce, température de l'air, etc. Nous utilisons celle du mois de mai. Merci encore Michel pour les discussions et pour la documentation et bon vent à tous les deux pour les croisières à venir.

Nous mesurons le courant en faisant la différence entre la moyenne vitesse obtenue par le loch et le VMG (Velocity Made Good) du GPS. Auparavant nous avons étalonné avec précision le loch grâce au GPS lors de plusieurs campagnes. La technologie embarquée à bord de nos modestes voiliers permet de faire tout un tas de relevés et d'analyses précis. La difficulté est d'interpréter correctement ce que l'on mesure et de l'utiliser pour naviguer plus efficacement. C'est aussi une source de plaisir pour les marins d'Onézif.

Toute la journée le vent change rapidement, alors les manoeuvres et réglages sont continuels. La ciel a été couvert toute la journée avec des petites pluies occasionnelles.

Mercredi 7 mai
7 h 50, nous sommes tous les deux à prendre l'air. Mon frère est debout sur les marches de l'escalier. Un petit oiseau tourne plusieurs fois autour d'Onézif. Il repère les lieux puis se pose sur une filière, à 1,5 mètre de nous. Il est marron avec du noir à l'extrémité de certaines plumes, le jabot est orangé. Le voilà qui volette jusque sur le bord de la capote et qui s'intéresse à l'intérieur du bateau. Il revient sur la filière. Il hésite et finalement s'envole pour rentrer dans la carré. Mon frère lève alors le bras pour l'en dissuader. Le petit oiseau se détourne et poursuit sa route vers d'autres aventures.

12h, Onézif a parcouru 400 milles en direction de Flores, il en reste 1270.

Les courants favorables depuis minuit s'inversent à 13h. Ils sont de force très variables, de 0,2 à plus de 1,4 noeuds.

Jeudi 8 mai
2h30, passage des consignes : les courants du milieu de la nuit sont presque incroyables. A minuit la mesure donnait 2,4 noeuds de courant contraire alors que le pilot chart du mois mai mentionne, dans notre zone, des courants de 0,4 à 1 noeud. Nous mettons en cause notre méthode de mesure, mais non elle est correcte.

Dès 4 heures je mets ma ligne de traîne avec le calamar rouge et blanc. Le jour se lève et les poissons doivent bien voir maintenant. L'aquagen est dans l'eau et la brasse, je compte sur elle pour attirer les curieux.

9h10, Il fait soleil. Onézif roule modérément à 6 noeuds et plus. ZZZZzzzzzzzzzzz... ZZZzzzz.. Nous jaillissons du carré. ZZZZZZZZzzzzzzzzz...ZZZZZ... braille le moulinet, car on ne peut pas appeler cela un chant, ou alors un chant guerrier, ou de détresse. Je serre le frein, ZZZzzzzzz, encore plus, ZZZZZzzzz... Riquet roule le génois pour ralentir le bateau et pour sortir l'aquagen. Je continue de serrer progressivement le frein, finalement le poisson n'est le plus fort que la moitié du temps. Il a déjà déroulé plus de 300 mètres de fil. Nous ne voyons rien. Je profite des moments où le poisson tire moins pour récupérer un peu de fil Crrrr... fait le cliquet du moulinet, ZZZZZzzzz... répond le poisson. Crrrr... Zzzzzzz... Rapidement je m'installe assis sur l'arrière d'Onézif, les jambes pendantes au-dessus de la plate-forme de bain, c'est plus confortable qu'à genoux.. Crrrrrrr... Zzzzz... Crrrrrr... Zzzz... Le poisson se rapproche petit à petit de nous. Par instants nous distinguons un aileron en forme de croissant. Peut-être est-ce un gros thon. J'en ai déjà pêché un de 5 kilos, celui-ci sera bien plus gros.

10h, pour soulager mes douleurs mon frère me passe un petit coussin plat car j'ai le fessier endolori. Zzzz... Crrr... Le poisson se défend pied à pied , si l'on peut dire. Crrr.. Zzzz... Crrr.. Maintenant nous le distinguons plus souvent et de plus près. Il est grand, en forme de fuseau, avec des beaux reflets bleus vifs sur le dos et les flancs. Les nageoires pectorales longues sont en forme de cimeterre. Sa nageoire dorsale nous semble assez longue. Bientôt nous apercevons un rostre assez court. C'est un espadon, pas de doute !

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Un espadon

Le gros poisson lutte terriblement. Il change de manière de combattre. Au début il tirait vers la droite, de nombreuses fois. Puis à gauche, en insistant avec force. Après il a essayé des lacets. Maintenant il tente de plonger, bien aidé par ses grandes nageoires pectorales. Je ne sais pas pourquoi mais je pense que c'est un marlin. Celui que nous avons au bout de la ligne montre une dorsale qui va loin vers la queue. De plus il est bleu et les espadons, ramenés par les pêcheurs au harpon de l'île de Lipari, n'étaient pas bleu vif.

11h, La lutte continue, chacun tirant de son côté. C'est un marlin bleu, il est maintenant quelques mètres derrière Onézif. J'arrive à lui sortir la tête un peu hors de l'eau. Il n'aime pas du tout et entreprend de faire des sauts hors de l'eau. Son rostre frappe à plusieurs reprise la plate-forme arrière, aussitôt je lui laisse du champ.

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Onezif le Melody - pêche d'un marlin bleu Onezif - marlin bleu de 1,89 m à bord d'Onézif

Onezif - rémora de notre marlin bleu

notre marlin bleu le rémora du marlin

11h30, le beau poisson bleu est maintenant très fatigué. Nous décidons de le garder encore 15 minutes la tête hors de l'eau. Nous aimerions bien qu'il soit le plus inerte possible pour le remonter avec notre gaffe. Passé ce délai il ne bouge presque plus. Je préfère essayer de le saisir au lasso car il paraît bien grand. Fred de La Licorne nous avait expliqué, à Gibraltar, comment il s'y était pris avec son requin. Je n'ai pas non plus envie de percer avec mon crochet un si beau lutteur, sensiblerie sans doute. Nous confectionnons un lasso avec une fine amarre. Ensuite mon frère passe, avec une gaffe, le noeud coulant de la tête vers la queue. Il tire le cordage qui se referme au bon endroit. Je donne du mou à la ligne et nous hissons notre prise dans le cockpit.

Il est immense ! La tête, rostre compris, fait 61 cm. Au total il mesure 1,89 mètres. Le peson accroché au bout de notre plus grande gaffe, posée sur le fond d'un seau, nous hissons à bout de bras notre prise : 18 kg. Formidable ! Dommage que nous ne soyons pas à proximité des Embiez pour faire un festin avec les copains.

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Onezif - découpage du marlin bleu dans le cokpit de notre Melody

Découpage des filets du marlin

Je prélève d'un côté 3 kg de filet magnifique. Ils nous donneront 6 repas avec 250 g de poisson par marin. Pas mal pour caler une petite faim.

Le soir il est cuisiné avec tomates, oignon, une gousse d'ail basilic, graines de bois d'inde, sel et poivre. Nous nous régalons et profitons de l'alibi pour déboucher une bouteille de Malvasia Seco 2001 La Geria, île de Lanzarote.

Vendredi 9 mai
2h05, il faut réduire la voilure. Pour s'habiller à cette heure là, mal réveillé et avec un bateau qui roule, il faut un bon quart d'heure. Ensuite nous effectuons la manoeuvre à deux. L'anémomètre étant en grève, comme cela lui arrive parfois, nous estimons que le vent est à force 5 minimum. Difficile de l'affirmer car la nuit on ne voit pas les vagues, on les ressent juste avec les fesses qui transmettent au cerveau les mouvements de la banquette. Alors la mesure de la hauteur des vagues est donc très approximative. Le speedo est aussi un bon indicateur.

9h, le vent est à 6 Beaufort. La GV est arisée au 3e ris.

11h30, mon frère est sur le pont, je dors à l'étage en dessous. Le bateau gîte brusquement et me réveille. La porte s'ouvre, « Dany le vent est à 40 noeuds, j'ai besoin de toi. » La pluie cingle, le vent rugit dans les haubans. Il me faut du temps pour enfiler habits, ciré et bottes. Sur le pont le second finit de rouler le génois qui est tangonné. Nous lançons le moteur pour remonter un peu au près et nous affalons la GV. Ensuite nous déroulons un minuscule bout de voile et stoppons le moteur. Onézif est remis sur son cap. Ceci fait à peine terminé le vent baisse à 7 Beaufort environ. C'était un grain féroce.

13h40, Onézif est poussé à 7 noeuds la GV au 3e ris et le Foc 2. Il est temps de déjeuner, avec un bon plat de marlin au menu c'est évident.

16h, la grande voile est abattue, le Froc 2 suffit.

20h15 nous changeons de fuseau horaire. Le ciel est étoilé.

Fuseaux horaires - carte

Les fuseaux horaires

Samedi 10 mai
La nuit s'est bien passée, Onézif marchait bien avec son petit foc de 21 m2.
8h40, heure locale. RFI : « Bulletin au large pour le samedi 10 mai 2003 :
- Coup de vent pour la zone Ridge (c'est la notre).
- Situation générale :
• Dépression 996 hpa au Sud de L'Islande, se déplace vers l'Est lentement.
• Anticyclone 1029 au SE des Açores avec une dorsale en direction de la France, se déplace vers le NW lentement.
• Dépression 992 hpa au Sud de Terre Neuve, se décale lentement vers l'Est, est prévue 996 hpa le 11 à 12 TU par 45 Nord et 50 Ouest (c'est elle qui nous concerne).
- Suit la météo des zones Milne ... Ridge vent de Sud force 4 à 6, devenant 6 à 7 la nuit parfois 8 à l'Ouest de la zone (c'est l'endroit où se trouve 0nézif). Etc.

Merci à RFI et à Météo France avec eux nous avons toujours eu la météo depuis notre passage en Atlantique en novembre 2002. Dommage qu'il n'y ait pas l'équivalent pour la Méditerranée dans sa totalité, au moins d'avril à octobre.

Le matin et l'après-midi se passent tranquillement. Vers 17 heures nous préparons Onézif. Le pont est rangé, tout est amarré soigneusement, les coffres sont bouclés, le tourmentin est accessible facilement. L'intérieur est aussi préparé, les coffres du carré sont bouclés. Nous préparons un ravitaillement facile à préparer et à consommer pour 2 jours et 2 nuits. Les lampes sont garnies de piles neuves. Les cirés et les bottes sont alignés comme à la parade.

Pour finir, l'équipage envisage les différentes situations et les manoeuvres à mettre en oeuvre à chaque fois. Nous sommes prêts physiquement et moralement.

Nous ne changeons pas notre organisation des quarts mais nous sommes flexibles. Mon frère commence sont quart pendant que je me couche confortablement calé par ma toile anti roulis (merci Marie-Hélène pour ces précieuses toiles).

Minuit, je suis réveillé par les fortes secousses dues aux vagues. Mon frère est à la table à carte, ciré, bottes, casquette recouverte par la capuche de son ciré, lampe de tête, harnais-brassière gonflable. Sa tenue est humide et dégouline un peu. Il utilise sa serviette de bain pour sécher un peu les manches et le devant du ciré. Il faut lutter contre l'envahissement du carré par l'humidité. Dehors j'entends le vent qui siffle dans les haubans et l'éolienne qui rugit par moment comme une sirène. Il se cale tant bien que mal pour écrire le point et les données annexes.
- "Comment ça va ?"
- "Dehors le vent souffle à 30 à 35 noeuds, il y a des moments à 40. La mer est forte. Onézif se comporte merveilleusement bien, il fait des pointes à plus de 9 noeuds dans les surventes. Tu peux continuer à dormir."
- "Bon courage, appelle sans hésiter."

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Onezif le Melody - marin de quart par mauvais temps

 sur Onézif notre Melody,
marin de quart par mauvais temps

Dimanche 11 mai
1h20, le bateau est encore plus bruyant, plus gîté, plus secoué. Je me réveille et entends mon frère effectuer des réglages. Il doit en avoir un peu assez. Je me harnache péniblement. J'aimerais bien rester au chaud blotti dans ma couchette. Il faut se forcer un peu pour quitter l'abri du carré.

Mon équipier est content de me voir. Nous passons en revue le déroulement de ces dernières heures. Onézif est parfait, le pilote Simrad TP30 est rarement en butée. Le vent est toujours à plus de 39 noeuds, souvent plus de 45. C'est un Coup de Vent authentique ! Il ne semble pas que la situation se dégrade.

2h30, je suis aux commandes. Je retouche un peu le foc de brise. J'observe longuement le travail du pilote car il ne faut pas le surcharger. Mon corps s'habitue aux mouvements d'Onézif. La pluie est de mise. J'essaie de ressentir ce que mes yeux ne voient pas, la hauteur des vagues par exemple.

Régulièrement une bourrasque plus forte ou une vague plus pentue fait basculer Onézif fortement. Je me tiens alors de la main droite à l'écoute de GV. Il est évident que mon harnais est accroché à un solide pontet près de la porte. Les paquets d'embruns me frappent le dos régulièrement. Quand je les entends arriver, je plie l'échine. Une fois une vague frappe violemment le tableau arrière du voilier et envahit le cockpit. Ce sont plus de 100 litres d'eau salée et écumante qui se déversent sur mes bottes, remplissent l'équipet bâbord et qui viennent mourir contre la porte du carré. C'est impressionnant. Ensuite le cockpit se vide lentement tout seul. Après on s'habitue.

5h30, le vent décroît, 6 et 7 Beaufort. Nous venons sans doute de passer le plus dur.
6h, Riquet me trouvant à la table à carte me demande :
- "Comment ça va ?"
- "Ca va, tu peux dormir encore."
- "Bon, je vais me recoucher un peu."

7h15, mon frère se lève et il déjeune. Moi c'est déjà fait. Le bateau secoue et il mange debout dans la cuisine. Ensuite nous faisons le bilan de notre nuit. Nous sommes heureux que le temps devienne plus clément. Nous sommes contents d'Onézif, un vaillant Melody, et de ses deux marins. Il nous reste à profiter du vent fort qui nous pousse dans la bonne direction pour faire des milles.

9h nuageux, 10h grand soleil, 14h nuageux, 17h nuages noirs.

Le soir au dîner : omelette au marlin, c'est le 5e repas avec ce poisson, plus qu'un et il faudra pêcher.

Lundi 12 mai
2h30, passage des consignes : vent de SW 6 et 7 Beaufort, mer forte à très forte. Onézif va bien. A minuit le ciel était tout étoilé, à 1h il pleuvait.

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Onezif - la mer se calme autour de notre Melody, houle de 3 m

la mer se calme, houle de 3 m

7h, le vent est à 4 à 5 Beaufort. Nous bénéficions de quelques accélérations sous les nuages.

Petit paquet d'eau de mer dans la cabine avant. Il faut mettre tout à sécher sur le pont.

Juste à l'heure de dîner Onézif empanne sa GV deux fois. Cela rappelle un mauvais souvenir du mois de décembre. Pour parer à la situation nous changeons sensiblement le cap.

Mardi 13 mai
Le ciel est nuageux, le soleil invisible. Le vent nous pousse rapidement. Une excellente journée de voile.

Mercredi 14 mai
La ligne traîne son calamar rouge depuis 4 heures du matin. 6h55, le moulinet grogne un peu. Vous connaissez maintenant son bruit, je ne vous le referai plus. Un petit thon de 1,800 kg va constituer le repas du soir. Il s'agit d'un thon obèse, les Anglais l'appelle « Bigeye ».

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Onezif - pêche d'un thon obèse - bigeye tuna

Thon obèse - Bigeye tuna

Aujourd'hui la douche est tonique car l'eau fait 18,2 °C.
16h30, le brouillard tombe rapidement. A l'heure du repas la visibilité est de 50 mètres. Nous restons détendus. D'abord il n'y a pas eu de rencontre depuis plusieurs jours. Ensuite rien ne sert d'attraper un ulcère.

Le thon passé au four avec poivrons rouges et tomates est un régal. Il en reste pour presque deux autres repas.

Jeudi 15 mai
Cette nuit et jusqu'à 9h le brouillard limite la visibilité à peu de chose. Lorsque nous pouvons voir normalement c'est un soulagement et un plaisir retrouvé.

15h15, plus que 300 miles avant Flores.
17h30, nous changeons de fuseau horaire. Nous ne mettrons nos montres à jour que demain pour ne pas dérégler notre rythme avant la nuit.

Belle journée de voile avec un vent bien soutenu.

Vendredi 16 mai
4h, une troupe de dauphins de bonne taille passent derrière Onézif. Ils ne sont pas d'humeur à jouer.

10h, plus que 200 milles.

15h25, 4 dauphins adultes et deux petits viennent jouer avec le bateau. Je prends un bain de pieds à les regarder sauter devant l'étrave pendant plus de dix minutes. Les petits sont très drôles, ils ressemblent à des bébés potelés.

17h, encore 3 dauphins, ils sont pressés.

Encore une journée de voile profitable. Il ne manque que le soleil et un peu plus de chaleur. Aujourd'hui nous n'avons pas atteint les 21 degrés.

Samedi 17 mai
2h30, changement de quart. Moins de 100 milles pour Flores ; le vent est monté depuis deux heures ; Onézif est souvent à plus de 7 noeuds. Nous prenons donc le 2e ris, c'est mieux. En fin de manoeuvre un petit calamar brun rouge vient d'atterrir sur un banc du cockpit. Il mesure environ 12 cm, non ce n'est pas un leurre. Nous le remettons à l'eau.

15e jour de navigation depuis les Iles Bermudes. Nous comptons arriver ce soir, avant minuit.

La ligne est mise à l'eau dès 4h. Peu après une touche se solde par un décroché. 5h15, un poisson trouve le leurre à son goût. Je l'amène jusqu'au pied de la plate-forme. C'est un germon avec ses grandes nageoires pectorales. Je ne sais pas pourquoi mais il casse le fil, pourtant ce n'est pas un monstre. Je suis mécontent de l'incident. Dans la boite de pêche je sors un autre calamar rose, et oui il est rose maintenant et il vient de la Martinique. Vite la ligne est remise en action.
5h55, le moulinet se déroule bruyamment. Je prépare le bateau pour mouliner et rentrer le poisson dans de bonnes conditions (sortir l'aquagen, réduire la vitesse du bateau). A 5h17 je monte à bord un beau germon de 4,400kg pour 67 cm. Je suis bien content. Pendant ce temps il me faut vérifier que le porte container que j'ai aperçu ne présente pas de risque de collision, c'est le cas.

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Onezif - germon (thon blanc), thunnus alalunga

Germon, thunnus alalunga

J'ai l'impression que ce matin je pourrais remplir le cockpit de poissons si je le voulais. D'ailleurs des puffins de Cory tournoient sans arrêt dans les parages.

16h45, Flores est à 13 milles (23 km), nous ne voyons toujours rien.

17h45, TERRE ! Devant nous, légèrement sur bâbord un morceau de falaise est visible, le reste de l'île n'est qu'un gros nuage noir.

18h20, une quinzaine de dauphins nous souhaite la bienvenue dans les eaux des Açores. Nous apprécions cet accueil chaleureux et joyeux.

21h35, l'ancre plonge dans 12 mètres d'eau. Peu après nous buvons un tonic ... avec une LARME de Cognac pour le tonus. Nous sommes soudain bien las et heureux. La nuit devrait être longue et bonne.

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Onezif - le port et la ville de Lajes, Flores (Açores)

Lajes, île de Flores (Açores)

Planning pour notre séjour aux Açores :
- 17 au 23 mai : Flores ;
- 24 mai : départ de Lajes (île de Flores) pour Horta (île de Faïal), nuit en mer ;
- 25 mai au 1er juin : Horta et visite de l'île de Faïal ;
- 2 juin : départ de Horta, pour Punta Del Gada (île de Sao Miguel), nuit en mer
- 3 juin au 9 juin : Punta Del Gada et visite de Sao Miguel
- 10 juin : départ pour le Portugal.

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