Nouvelles d'Onézif du 28 juin 2003

DES ACORES (Sâo Miguel) AU PORTUGAL (Lisbonne)

Mardi 10 juin 2003
(Ponta Delgada - île de Sâo Miguel)
Ce matin pas de vent, nuages et bruine. La ville paraît désertée par ses habitants car c'est jour férié et le temps n'incite pas à la promenade.

10h25, Onézif effectue son départ au moteur sous la bruine. A environ 1 mille le Gin Fizz Apricari (skipper Claude) a quitté le port peu avant nous. Il vise le Cap Saint Vincent au Portugal avant d'entrer en Méditerranée.

14h, le vent permet de hisser la GV, il faut s'y reprendre à deux fois car la drisse est croisée avec la balancine. Le génois opère avec son tangon car le vent vient de l'arrière. Nous longeons plusieurs heures la côte Sud de l'île de Sao Miguel.

Nuit ... dans mon sommeil j'entends la mise en marche du moteur.

Mercredi 11 juin
Réveil 2h30 : moteur, ciel très nuageux, très léger vent de NE.

3h50, la lune finit par passer sous les nuages pour se coucher. Elle est rousse salie de gris. Peu après le vent devient assez puissant pour hisser les voiles et faire avancer le voilier au près serré à 4,5 noeuds.

Midi, deux grands navires nous croisent de part et d'autre d'Onézif.

Porte-conteneurs

Le premier est un porte-conteneurs et se dirige vers l'Ouest, l'autre file vers l'Est. Le soleil est de la partie depuis le milieu de la matinée. Le vent est froid.
18h30, mon frère signale une petite tortue sur bâbord. Le spectacle est fugitif.

Jeudi 12 juin
Réveil 2h30 : le bateau avance bien ; il y a un beau clair de lune ; la GV est au 1er ris comme hier soir et le génois déroulé ; le vent est toujours NE ; le cap du pilote est 108.

Zut ! Ma toile anti roulis est déchirée. Me voilà occupé deux heures par de la couture, entrecoupée d'incursions sur le pont pour assurer la veille et annoter le journal.

A peine fini, alors que je profite du jour naissant dans le cockpit je découvre qu'un des 3 silent-blocks du mat de l'éolienne est cassé. J'installe différents cordages pour palier temporairement à cet incident. J'ai déjà utilisé les deux que Michel (du Halberg-Rassy Tibo) m'avait envoyé comme pièces détachées.

Eolienne

7h05, je m'apprête à déjeuner. Zzzz... 7h25, un beau thon obèse de 5 kilos a intégré le bord. Il pèse 5 kg et mesure 69 cm. J'en tire 2 tranches de 250 g chacune pour une grillade, un morceau de 1,200 kg pour préparer au court-bouillon. Le dernier tronçon de 1,500 kg sera préparé au four et servira d' alibi pour déboucher une bouteille de vin blanc du Portugal de la région de Bairrada. Nous ne manquerons pas de protéines pendant plusieurs jours.

18h30, deux dauphins jouent peu de temps devant Onézif.

 

Vinha Bairrada

Protéines

Vendredi 13 juin
Cette nuit pendant le quart de mon frère nous avons croisé un voilier se dirigeant probablement vers les Açores.

6h30, alors que je suis en bas le vent change brusquement de direction, Onézif vire de bord de façon intempestive. Quelques instants plus tard, après une débauche d'énergie pour border le génois la situation est redevenue normale.

8h, alors que j'ai ouvert quelques minutes le capot du cabinet de toilette une vague plus audacieuse que les autres me douche copieusement. Mon pull de laine, mon polo en polaire et mon tee-shirt sont trempés. Heureusement il fait un beau soleil et avec le vent de force 3 cela va vite sécher.

Des organismes flottent ça et là, ils font penser à de très grosses velelles (Velella velella) . Je me promets d'en attraper demain pour bien les observer. Ce soir, avec les vagues qui éclaboussent l'étrave, il est certain que s'installer à l'avant muni d'un seau pour tenter une capture à la volée promet une bonne douche.

Ce soir nous prenons notre 4e repas d'affilée avec du thon.

Onezif - Velelles (Velella velella)

Velelles dans un seau d'eau (montage)

Samedi 14 juin
Changement de quart à 2h30 : le vent est irrégulier et oblige à des réglages fréquents des voiles ; le ciel est couvert ; il ne fait pas trop froid ; nous avons fait hier 103 miles en direction de Lisbonne ; l'aquagen a été sorti 2 fois puis remis à l'eau, nous avons bien progressé vers le nord (nous faisons cela pour se donner un peu de marge en cas de vent de NE). Mon frère quitte son gilet de sauvetage gonflable et va se coucher, j'enfile le mien et sors faire mon premier tour d'horizon.

Rapidement le sommeil me tombe dessus. J'ai beau monter, descendre, remonter, me mettre dans le vent, rien n'y fait, J'ai sommeil. Debout il faut que je fasse attention car je serais bien capable de dormir debout.
5h25, des dauphins viennent saluer notre vaillant Melody. Je commence à moins avoir sommeil. C'est peut-être un peu à cause du jour qui permet d'admirer la mer et le ciel.

14h, le vent passe franchement au Nord. Onézif reçoit le vent par le travers. C'est une allure très agréable car la vitesse est soutenue et la gîte raisonnable.

A midi nous avons mangé du thon, ce soir aussi. Pour notre dîner j'ai préparé le dernier morceau de thon (1,200 kg) au court bouillon. Nous le dégustons chaud avec une vinaigrette chaude bien relevée avec de la moutarde et aussi vraiment beaucoup d'oignon haché. C'est un régal.

Dimanche 15 juin
Mon frère a eu un quart pénible. J'espère y échapper.

9h, le vent est de plus en plus faible, Onézif est souvent en dessous de 3 noeuds.

Onezif - Onézif (le dragon) en dessous de 3 noeuds

Onézif en dessous de 3 noeuds

Nous hissons le spinnaker, 100 m2 rouge jaune et bleu. La vitesse monte à 3,5 noeuds. Une heure après l'indicateur de vitesse affiche 5 noeuds.

13h, un voilier est visible sur bâbord. C'est le deuxième voilier que nous croisons depuis le 10 juin. Le spi est affalé car nous trouvons que le vent est suffisant pour avancer avec le génois. Avant de le dérouler je démonte le winch tribord qui fait un bruit de cliquets peu agréable. C'est un problème de rouille sur un jeu de cliquets, sans doute un excès d'eau de mer. Un peu de pétrole au fond d'un récipient puis de la graisse spéciale et le winch retrouve une nouvelle jeunesse.

Ce soir j'ai des malheurs pendant la préparation d'une omelette. Alors que j'émiette du thon dans une assiette, tout en discutant avec mon frère qui est dans le cockpit, une vague plus forte bouscule Onézif. Certainement mal calé, je perds l'équilibre et traverse le carré sans pouvoir m'arrêter ni me retenir. Mon frère impuissant se demande comment je vais m'en sortir. De mon côté j'ai la même inquiétude. Finalement je m'affale au pied de la table à carte, dans un nuage de miettes de thon, indemne. Ouf ! Il ne reste plus qu'à nettoyer le carré qui a profité de mon geste, celui auguste de semeur paraît-il. Heureusement l'omelette est réussie. Pour me consoler j'ai droit à un excellent Chassagne-Montrachet GB année 2000. C'est vrai que c'est bon pour le moral, mais il ne faut pas en abuser en navigation.

Onezif - voilier de type Melody sous spi : c'est Onézif

Le spi d'Onézif

Lundi 16 juin
Au changement de quart, vers 2 heures 30, nous renvoyons le ris pris hier soir.

Au petit matin, je profite du sommeil de mon équipier pour envoyer le spi en solitaire. C'est un petit plaisir que je me fais. Il faut dire qu'avec la chaussette, qui l'empêche de se gonfler avant d'être complètement hissé, c'est un jeu d'enfant ou presque.

Depuis plusieurs jours j'ai une infection au majeur de la main droite. On dirait un début de panaris qui ne veut ni guérir ni mûrir. Je le soigne avec de la Bétadine mais cela n'évolue pas favorablement. Si cela continue je serais obligé de consulter un médecin à Lisbonne.

12h15, nous affalons le spi. 15h15, plus que 100 miles avant l'entrée du Tage, Lisbonne est 10 milles plus loin. 16h10 nous relançons le spi. 20h, le vent tombe, le moteur prend le relais. Depuis 7h ce matin nous avons croisé 5 navires. C'est un signe que nous approchons de l'Europe.

Minuit, pendant mon sommeil Riquet profite du vent revenu pour arrêter le diesel. Je me retourne sur ma couchette, que le silence est agréable pour dormir.

Mardi 17 juin 2003
4h, je prends le premier ris. Onézif avance à plus de 5,5 noeuds.

De 6h30 à 10h nous traversons le rail qui canalise le trafic marchand au large du Cabo da Roca, au Nord de l'estuaire du tage. Nous y croisons 12 navires dont un bâtiment de la Marine Portugaise. Onézif se déroute 3 fois pour ne pas risquer une collision. Un porte conteneur nous prend de vitesse et se déroute avant nous. Il s'agit du « MSC Austria » que nous remercions par VHF car c'était à nous de modifier notre route.

(cliquer sur les photos pour les agrandir)

Cabo da Roca

11h nous avançons nos montres d'une heure pour être à l'heure du Portugal. Nous sommes presque à l'embouchure du Tage. Maintenant nous allons naviguer à vue. Par mesure de précaution le 2e ris est pris, nous nous méfions des effets possibles du relief sur la force du vent. C'est une bonne idée car nous rencontrons rapidement des bourrasques qui couchent Onézif.

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Onezif - Cascais (Portugal) le phare Onezif - Ponte 25 do Abril (Lisbonne) Onezif - Torre de Belem (Lisbonne)
Le phare Ponte 25 do Abril Torre de Belem
Cascais Lisbonne

 

Bientôt le Ponte 25 do Abril nous indique l'emplacement de Lisbonne. C'est un viaduc gigantesque. Nous remontons au près serré, tantôt lentement, tantôt couché par les rafales. Il faut même prendre le troisième ris. Quatre milles avant d'arriver la chute du génois donne des signes de faiblesse. Nous le roulons pour éviter de trop détériorer cette vieille voile. Il faudra faire connaissance avec un maître voilier portugais.

14h45, Onézif est amarré à un ponton avec catway du port d'Alcantara, le deuxième port après avoir passé le viaduc. L'accueil est agréable. Les formalités sont réduites car la capitainerie se charge d'informer les autorités. Celles-ci nous visiteront si elles le jugent utile.

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Le port de Lisbonne

Nous sommes heureux d'avoir fini nos traversées océaniques dans de bonnes conditions. Vive notre vieille Europe où il fait bon vivre. Il reste maintenant à rejoindre les Embiez ce qui n'est pas aussi facile qu'il y paraît.

Notre vieille Europe

21h30, Il fait beau. Nous sommes attablés à la terrasse du restaurant « Inhaca », 8 rua das portas de Sao Antao, rue qui longe le Théâtre de Lisbonne. Après un plat de palourdes nous dégustons une excellente cataplana do bacalhau (morue mijotée et servie dans une casserole en cuivre). Du vin de Douro complète notre immersion dans la vie de Lisbonne.

 

A la revoyure !

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